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AUGUSTIN OU LE MAITRE EST LA

Sulpice pour y consulter des prêtres plus savants que moi, et beaucoup plus sages… Je vous affirme que j’y connais des saints. De grâce, mon cher, mon bien cher enfant…

Augustin restait écrasé, immobile. Une lente lumière montait et éclairait en lui tout ce qui de Zeller était méconnu. Elle illuminait par le dedans le sens de cette absence d’acharnement dans l’effort et de cette indifférence apparente au succès final, dont parfois l’on s’étonnait.

Dans l’âme délicate et vite fermée de Paulin Zeller, les confidences s’étaient taries. Augustin eût aimé passionnément pénétrer plus avant, chercher où, quand et comment ces désirs-là lui étaient venus. Plus tard, beaucoup plus tard, quand il eut en main les notes intimes de son ami, il y lut : « Je m’accuse d’une réserve bien trop grande, à l’égard de ceux que Dieu a mis sur mon chemin, d’une réserve à fond d’orgueil ! »

— Le grand Séminaire, je vous assure, monsieur l’abbé, est déjà pour moi un effort. Bénédictin, Oratorien, Trappiste même, tel est mon attrait. J’y ai vu jusqu’à présent, assez naïvement, la volonté de Dieu. Je consulterai Saint-Sulpice, suivant vos conseils.

Et, comme l’aumônier fermait les yeux :

— La haute culture ? Je n’ai jamais senti avec une plus claire violence le dégoût de l’idole…

Tel fut le commencement de la nouvelle vie. Dès les premiers moments, non de son fait, mais des circonstances, elle se compara pour Augustin à quelque chose d’autre et plus noble, hors de ses prises et de ses désirs, mais non pas de ses nostalgies.

L’express de nuit l’emmena dans ses fraîches troisièmes. Dès que fut terminé le tassement des voyageurs, le choix des coins et le dépouillement des faux-cols, le sens intérieur des martellements rythmiques commença de s’offrir à ses rêves.