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I

LA PETITE CITÉ


Lorsque Augustin Méridier cherchait à démêler ses plus lointaines impressions religieuses, il les trouvait très au frais, mélangées à ses premiers souvenirs, et soigneusement classées dans deux compartiments de sa mémoire. Il gardait l’un pour la préfecture de province au Lycée de laquelle son père professait ; il réservait l’autre aux Planèzes. Ce n’était pas la vraie Planèze, mais de hauts plateaux très voisins, tous semblables, qu’il appelait ainsi parce que ce nom lui avait plu.

Cette division géographique séparait deux formes irréductibles et même antagonistes des émerveillements de l’enfance.

La Préfecture gardait, dans ses belles rues désertes, certain deuxième étage sonore, au vestibule pavé de losanges noir-bleu et gris de pierre, glacial.

Le plus beau jour y était Dimanche. Augustin le sentait, à maint indice, venir dès le samedi soir. Ce jour-là, la grosse Catherine nettoyait les carreaux du vestibule et les fenêtres de la salle à manger ; elle passait au tripoli les boutons de la porte ; elle n’oubliait pas la bouilloire ni les robinets. Toute la maison prenait un aspect lavé de frais, renouvelé. Des habits neufs, tirés de placards appropriés, apparaissaient sur les chaises de la chambre à coucher, gardant la forme qu’ils avaient dans des boîtes, aplatis par des plis soigneux. L’active petite Maman portait dans les yeux une sorte de joie maîtrisée et étincelante, comme lorsqu’on attend silencieusement une belle fête, ou des parents qui viendront bientôt.