Page:Malato - La Grande Grève.djvu/249

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— Eh bien, pourquoi n’as-tu pas su la prendre ? Tu es son maître, après tout.

— Non, protesta nettement Jean, je ne veux pas lui faire violence.

Le père Mayré eut un geste d’impatience.

— Dans ce cas, mon garçon, que veux-tu que je te dise ? fit-il. Après tout, si elle ne veut pas et que tu craignes de la brusquer, il n’y a qu’à la laisser.

— La laisser !… non.

Ceci fut dit d’un accent si profond, si poignant, que le fermier, malgré sa nature peu sentimentale, tressaillit, inquiet.

Serait-il possible que son fils fît quelque bêtise ?

La mère Mayré rentrait sur ses entrefaites : elle regarda son mari, son fils et soupira. Bien que d’intelligence ordinaire, elle comprenait, son affection maternelle lui faisait deviner.

— Mon pauvre enfant, dit-elle, tu ne vas pas te faire du mauvais sang pour cette fille.

— Que voulez-vous ! fit brusquement Jean en regardant ses parents. Vous pouvez me trouver bête, mais c’est plus fort que moi : je ne puis me passer d’elle.

Et il ajouta entre ses dents, comme se parlant à lui-même :

— Elle n’est pas comme les autres et c’est pour ça qu’elle me plaît.

— Enfin, fit le fermier impatienté, tu n’as pas la prétention de la marier, j’imagine !

Et il termina ces paroles dans un gros rire.

— Pourquoi pas ? répondit Jean tranquillement.

Pierre Mayré eut un violent haut-le-corps et contempla son fils d’un œil effaré.

— Ah çà ! est-ce que tu es fou ? lui demanda-t-il, ou bien est-ce que tu te fiches de nous ?

Sa femme, elle aussi, regardait Jean d’un air pétrifié, muette.

Évidemment, rien ne pouvait stupéfier davantage