Page:Malato - La Grande Grève.djvu/275

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Orateur de tête, cherchant à exposer des idées plutôt qu’à jongler avec des mots, Paryn avait la parole facile, disant de façon toute simple les choses telles qu’il les pensait. Il n’en estimait pas moins indispensable, sous peine de n’être qu’un phraseur plus ou moins brillant, de préparer ses discours avec des arguments et une documentation impeccables qu’on ne rencontre point dans les improvisations hâtives. S’adressant à des travailleurs simplistes, il devait se faire plus clair que jamais tout en évitant la phraséologie déclamatoire qui lui répugnait, remplacer par des images saisissantes les raisonnements trop compliqués pour des esprits abrupts.

L’ordre du jour proposé par Bernard et accepté par les orateurs portait : « La république et la féodalité capitaliste. — La lutte politique et sociale. — L’affranchissement des travailleurs. »

Paryn avait réuni tous ses matériaux de façon à les relier en un ensemble qui frappât l’idée de ses auditeurs. Il leur montrerait la révolution du siècle précédent commençant la libération des esprits, transformant les sujets en citoyens vivant sous un régime de garanties qui s’épanouissait dans la république, basée sur la souveraineté populaire. Puis, il montrait aussi, d’autre part, une féodalité d’argent, plus âpre et plus dure que l’ancienne noblesse, se créant avec l’essor de la grande industrie et venant soumettre à l’esclavage économique la classe immense des prolétaires pour lesquels les conquêtes de la révolution devenaient une illusion. Ensuite c’était l’effort des penseurs, Saint-Simon, Fourier, Pierre Leroux, Proudhon, cherchant le remède à ce mal de misère et, en même temps, les révoltes désespérées, aveugles, de ce prolétariat condamné à la misère et aux travaux forcés à perpétuité : les drames sanglants de la Croix-Rousse et de juin 48. Enfin, il montrait l’union des travailleurs conscients et orga-