Page:Malato - La Grande Grève.djvu/381

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pierre, et rien ne pouvait rendre l’impression profonde de tristesse qui en émanait.

— Nous rachèterons l’emplacement et élèverons une autre habitation, dit Détras.

Ils possédaient quatre mille francs. Avec cette somme, ils acquerraient le terrain nécessaire pour y construire leur ferme et y enclaveraient leur ancienne habitation, réédifiée de fond en comble. Bien qu’ils n’eussent point de préjugés, ils éprouvaient, chose étrange, comme un soulagement, en voyant que leur maison profanée n’existait pour ainsi dire plus. Ils achèveraient de jeter bas ces murs qui avaient vu s’accomplir la vente de la chair pauvre, ils rebâtiraient en ajoutant un étage et utilisant les matériaux de construction. Détras se chargerait avec Panuel, d’une partie du travail, de façon à économiser la main-d’œuvre et, une fois le terrain payé, la maison reconstruite, il leur resterait assez d’argent pour acheter de la volaille, des chèvres, une vache, pour avoir une carriole attelée d’un âne qui porterait leurs produits en ville. Ainsi ils pourraient vivre, travaillant librement pour leur compte et, selon leur désir commun, « ni exploiteurs, ni exploités ».

Cependant, ils ne pouvaient demeurer indéfiniment en contemplation devant leur ancienne maison. Le Fier Lapin s’éveillait, le patron entrebâillait la porte et ouvrait les volets de l’établissement, dans l’attente des premiers clients, les gens de Saint-Phallier et du Bois-de-Varne, se rendant à Mersey.

— On y loue des chambres, dit Panuel. Allons en retenir deux pour nous donner le temps de nous orienter.

Ses amis approuvèrent et se dirigèrent vers le cabaret.

— Madame Détras ! Monsieur Panuel ! exclama le patron qui faillit tomber à la renverse.

— Mais oui, c’est nous, monsieur Marbé, dit tranquillement l’ébéniste. Nous voici revenus.