Page:Malato - La Grande Grève.djvu/508

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l’autre, lèvre à lèvre. Puis ils partirent, se tenant étroitement par le bras, comme deux amoureux. Amoureux ! ils l’étaient toujours.

Dans les rues, il faisait presque sombre ; la soirée était traversée de souffles d’orages, mêlés de gouttes de pluie. Autour d’eux, rien que le silence et la solitude ; Chôlon semblait une ville morte.

Tout à coup, comme ils débouchaient de la rue Nationale vers la place de Tondou, la scène changea brusquement.

À la lueur des becs de gaz et de torches, allant et venant devant eux, ils aperçurent une foule houlant comme une énorme vague vers un bâtiment noir et menaçant qu’ils reconnurent immédiatement.

La prison !

L’édifice infâme où ils avaient l’un et l’autre tant souffert aux heures les plus poignantes de leur vie, était là, devant eux, plus énorme et plus farouche dans la nuit, tel que quelque énigmatique sphynx ou chimère, gardien de la vieille société. C’était le monstre de pierre qui broyait des vies, se nourrissait de douleurs et de larmes.

Là étaient enfermés par ordre de Jolliveau, autocrate féroce, les militants les plus énergiques de la grève, une vingtaine au moins, ceux qu’on appelait « les meneurs » !

Des cris de tempête s’élevaient de la foule : « Liberté ! liberté ! Dehors les prisonniers ! »

Un grand souffle passa sur Galfe et Céleste. Ils virent les détenus enfiévrés derrière les barreaux de leurs cellules ; ils virent les familles de ces hommes, étreintes dans l’angoisse et dans la misère ; ils se revirent eux-mêmes, captifs dans le bâtiment exécré. Oui, c’était là qu’on enfermait les vaincus, les parias de la société, tandis que les malfaiteurs de haut vol promenaient, salués et glorifiés, leur insolente omnipotence !

Dans un même et irrésistible élan d’humanité