Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/10

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l’Atlantique au golfe de Perse, des forêts germaines au désert lybien, une armée de fonctionnaires trônaient au nom du peuple-roi. D’innombrables légions imposaient la terreur aux nations vaincues : jamais pillage ne fut comparable à celui-là : c’était l’univers mis en coupe réglée.

Des messieurs graves, payés pour bourrer de notions quelconques les jeunes cerveaux, nous ont appris à nous extasier sur les vertus romaines. À travers leurs rabâchages officiels, Scipion, César, Caton, Cicéron, nous sont apparus plus grands que nature. L’antiquité a jeté son ombre discrète sur les défauts et les vices de ces grands hommes. Nous ne voyons plus en eux le glorieux dissolu, le général perfide et cruel, l’usurier impitoyable, l’avocat parvenu, lâche aux puissants, féroce aux démagogues, — véritable figure moderne ! Nous les admirons comme des modèles : admiration dangereuse qui nous a valu, il y a un siècle, la république jacobine et, dans la période suivante, la foule des mauvais tribuns et des avocats sans conviction, faisant du Palais de Justice une antichambre du Palais-Bourbon.

Combien il faut en rabattre ! La république si vantée par les cuistres de collège ne fut jamais que le règne de l’argent et celui de l’épée. Le règne de l’argent avait commencé sous Servius Tullius, alors que ce roi, pour mater la plèbe, eut l’ingénieuse idée de comprendre tous les sans-le-sou dans une seule centurie qui, aux jours de vote, n’avait que son unique suffrage à émettre en face des multiples suffrages des possédants répartis, proportion-