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DE LA RECHERCHE


DE LA VÉRITÉ.




LIVRE PREMIER.


DES SENS.




CHAPITRE PREMIER.
De la nature et des propriétés de l’entendement. — De la nature et des propriétés de la volonté, et ce que c’est que la liberté.


L’erreur est la cause de la misère des hommes ; c’est le mauvais principe qui a produit le mal dans le monde ; c’est elle qui a fait naître et qui entretient dans notre âme tous les maux qui nous affligent, et nous ne devons point espérer de bonheur solide et véritable qu’en travaillant sérieusement à l’éviter.

L’Écriture Sainte nous apprend que les hommes ne sont misérables que parce qu’ils sont pécheurs et criminels ; et ils ne seraient ni pécheurs, ni criminels, s’ils ne se rendaient point esclaves du péché en consentant à l’erreur.

S’il est donc vrai que l’erreur soit l’origine de la misère des hommes, il est bien juste que les hommes fassent effort pour s’en délivrer. Certainement leur effort ne sera point inutile et sans récompense, quoiqu’il n’ait pas tout l’effet qu’ils pourraient souhaiter. Si les hommes ne deviennent pas infaillibles, ils se tromperont beaucoup moins, et s’ils ne se délivrent pas entièrement de leurs maux ils en éviteront au moins quelques-uns. On ne doit pas en cette vie espérer une entière félicité, parce qu’ici-bas on ne doit pas prétendre à l’infaillibilité ; mais on doit travailler sans cesse à ne se point tromper, puisqu’on souhaite sans cesse de se délivrer de ses misères. En un mot, comme on désire avec ardeur un bonheur