Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
STANCES.

Et, sortant promptement de mon sens et de moy,
Ne me suis apperceu qu’un destin favorable
M’offroit en ce danger un sujet honorable
D’acquérir par ma perte un triomphe à ma foy.

« Que je porte d’envie à la troupe innocente
De ceux qui, massacrez d’une main violente,
Virent dés le matin leur beau jour accourcy !
Le fer qui les tua leur donna cette grâce
Que, si de faire bien ils n’eurent pas l’espace,
Ils n’eurent pas le temps de faire mal aussi.

« De ces jeunes guerriers la flote vagabonde
Alloit courre fortune aux orages du monde,
Et déja pour voguer abandonnoit le bord,
Quand l’aguet d’un pirate arresta leur voyage ;
Mais leur sort fut si bon que d’un mesme naufrage
Ils se virent sous l’onde et se virent au port.

« Ce furent de beaux lis qui, mieux que la nature
Meslans à leur blancheur l’incarnate peinture
Que tira de leur sein le Cousteau criminel,
Devant que d’un hiver la tempeste et l’orage
À leur teint délicat pussent faire dommage,
S’en allèrent fleurir au printemps éternel.

« Ces ensans bien-heureux (créatures parfaites,
Sans l’impersection de leurs bouches muettes)