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LES LARMES DE SAINCT PIERRE.

Pendant que je me trouve au milieu de tes pas,
Désireux de l’honneur d’une si belle tombe,
Afin qu’en autre part ma dépouille ne tombe,
Puisque ma fin est prés, ne la recule pas. »

En ces propos mourans ses complaintes se meurent,
Mais vivantes sans fin ses angoisses demeurent,
Pour le faire en langueur à jamais consumer.
Tandis la nuit s’en va, ses lumières s’étaignent,
Et déja devant lui les campagnes se peignent
Du safran que le jour apporte de la mer.

L’Aurore, d’une main, en sortant de ses portes,
Tient un vase de fleurs languissantes et mortes ;
Elle verse de l’autre une cruche de pleurs,
Et, d’un voile tissu de vapeur et d’orage
Couvrant ses cheveux d’or, découvre en son visage
Tout ce qu’une ame sent de cruelles douleurs.

Le Soleil, qui dédaigne une telle carrière,
Puis qu’il faut qu’il déloge, éloigne sa barrière ;
Mais, comme un criminel qui chemine au trépas,
Montrant que dans le coeur ce voyage le fasche,
Il marche lentement, et désire qu’on sçache
Que, si ce n’estoit force, il ne le feroit pas.

Ses yeux par un dépit en ce monde regardent ;
Ses chevaux tantost vont, et tantost se retardent.