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CHANSONS.

Que le succez n’en soit funeste.
Le calme jusqu’icy vous a trop asseurez ;
Si quelque sagesse vous reste,
Cognoissez le péril, et vous en retirez.

Mais, ô conseil infâme ! ô profanes discours
Tenus indignement des plus dignes amours
Dont jamais ame fut blessée !
Quel excez de frayeur m’a sceu faire gouster
Cette abominable pensée
Que ce que je poursuis me peut assez couster ?

D’où s’est coulée en moy cette lasche poison
D’oser impudemment faire comparaison
De mes épines à mes roses ?
Moy de qui la fortune est si proche des cieux
Que je voy sous moy toutes choses.
Et tout ce que je voy n’est qu’un point à mes yeux.

Non, non, servons Chrysanthe, et, sans penser à moy,
Pensons à l’adorer d’une aussi ferme foy
Que son empire est légitime.
Exposons-nous pour elle aux injures du sort ;
Et, s’il faut estre sa victime,
En un si beau danger moquons-nous de la mort.

Ceux que l’opinion fait plaire aux vanitez
Font dessus leurs tombeaux graver des qualitez