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ODE IX.

Ceux à qui la chaleur ne bout plus dans les veines
En vain dans les combats ont des soins diligens ;
Mars est comme l’Amour : ses travaux et ses peines
Veulent de jeunes gens.

Je suis vaincu du temps, je cede à ses outrages ;
Mon esprit seulement, exempt de sa rigueur,
A de quoy témoigner en ses derniers ouvrages
Sa premiere vigueur.

Les puissantes faveurs dont Parnasse m’honore
Non loin de mon berceau commencerent leur cours ;
Je les posseday jeune, et les possede encore
A la fin de mes jours.

Ce que j’en ay receu, je veux te le produire ;
Tu verras mon adresse, et ton front, cette fois,
Sera ceint de rayons qu’on ne vit jamais luire
Sur la teste des rois.

Soit que de tes lauriers ma lyre s’entretienne,
Soit que de tes bontez je la face parler,
Quel rival assez vain pretendra que la sienne
Ait de quoy m’égaler ?

Le fameux Amphion, dont la voix nompareille,
Bastissant une ville, étonna l’univers,
Quelque bruit qu’il ait eu, n’a point fait de merveille
Que ne facent mes vers.