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NOTICE

Plus d’une fois, en touchant cette corde, Malherbe s’élèvera au sublime. Pour lui l’inspiration est là, et pas ailleurs. Il a bien écrit pourtant, et pendant ce second séjour en Provence, un morceau beaucoup plus célèbre que ses odes politiques, la Consolation à M. du Périer ; mais ce morceau n’a dû sa gloire qu’à la mutilation traditionnelle qu’on lui a fait subir, depuis trois siècles, dans les anthologies, et que ne lui refusera pas la nôtre ; car si l’on ne passait pas de la septième stance à la dix-neuvième, si l’on ne soudait, là, un commencement et une fin admirables, combien serait amoindri l’effet d’un poème dont le milieu est de la plus froide et de la plus odieuse sécheresse, où, pour consoler le malheureux père, Malherbe qui a récemment perdu ses deux filles, se donne ainsi en exemple :

De moi, déjà deux fois d’une pareille foudre
Je me suis vu perclus,
Et deux fois la raison m’a si bien fait résoudre
Qu’il ne m’en souvient plus !

Au reste, on ne sait pourquoi, il a la manie des consolations. Il les fait à cœur tranquille et à tête reposée. Celle qu’il voulut adresser à M. de Verdun, sur la mort de sa femme, lui coûta trois ans de travail ; quand elle fut finie, M. de Verdun était remarié !

Revenons donc au poète civique, il méritait de rencontrer Henri IV et Henri IV méritait de le rencontrer. C’est ce qui advint ; mais non aussi vite qu’il aurait fallu. Vauquelin des Yveteaux, qui était de Caen, avait vanté au roi son compatriote ; et Duperron, l’évêque d’Évreux, à qui le souverain demandait s’il faisait toujours des vers, lui avait répondu qu’il ne fallait plus que personne s’en mêlât « après un certain gentilhomme de Normandie, habitué en Provence et nommé Malherbe. » Le roi songea bien tout de suite à l’appeler, mais, nous conte le poète Racan, « il était ménager et craignait qu’en le faisant venir de si loin, il serait obligé de lui donner récompense au moins pour la dépense du voyage. » Il attendit donc, trois ans, que Malherbe vînt à Paris. Alors, ne craignant plus pour sa bourse, à la vérité fort plate encore, il le fit quérir et lui demanda aussitôt de composer des vers sur le voyage qu’il entre-