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NOTICE

avec Anne d’Autriche, l’inspireront beaucoup moins : Malherbe, homme d’autorité dans le royaume des lettres, a besoin de sentir son pays entre des mains fermes et puissantes ; c’est pourquoi Richelieu va, demain, être son héros. Ce n’est pas seulement dans ses vers qu’il le proclamera tel, dès le premier jour, c’est jusque dans ses lettres intimes, où l’on voit bien que son enthousiasme n’est point de commande. Il écrit à Racan : « M. le Cardinal de Richelieu a été aujourd’hui si mal que j’ai été huit ou dix jours que je n’entrais jamais au château qu’avec l’appréhension d’ouïr cette funeste voix : le grand Pan est mort. À cette heure, grâce à l’ange protecteur de la France, il est hors péril, et les gens de bien hors de crainte. Vous savez que mon humeur n’est ni de flatter, ni de mentir, mais je vous jure qu’il y a en cet homme quelque chose qui excède l’humanité, et que si notre vaisseau doit jamais vaincre la tempête, ce sera tandis que cette glorieuse main tiendra le gouvernail. Les autres pilotes peuvent me diminuer la peur, celui-ci me la fait ignorer. »

C’est vers le temps où, appelé pour la seconde fois au ministère (1624), Richelieu commence à prendre d’une façon à peu près absolue le gouvernement de l’État, que Malherbe, délivré de tout souci matériel par une charge de Trésorier de Provence, atteint l’apogée de son talent. Les beaux sonnets à Richelieu et à Louis XIII sont de cette même année 1624. C’est de 1626 qu’est la Paraphrase du Psaume CXLV dont Sainte-Beuve a pu dire : « Malherbe était religieux comme lyrique, sinon comme homme. Il est entré, non sans grandeur, dans l’impétueux essor vers Dieu et dans l’ardente aspiration du Psalmiste : et même, si l’on compare, on verra qu’il a prêté au texte sacré des ailes… Quelques strophes de ce ton suffisent pour réparer une langue et pour monter une lyre. »

Malherbe a soixante et onze ans ; il ne lui reste plus qu’une année à vivre, la plus douloureuse de sa vie, et qu’un chef-d’œuvre à écrire, qui sera son chef-d’œuvre.

Là-bas, à Aix, Madame de Malherbe a veillé seule à l’éducation de son fils Marc-Antoine ; et le poète, avec plus de sollicitude orgueilleuse, sans doute, que de