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NOTICE

tendresse paternelle, s’est du moins fait tenir sans négligence au courant des progrès de l’enfant qui doit être l’héritier de son nom. Par la mère, par le Président Du Vair, par le conseiller Peiresc, il apprend ses dispositions exceptionnelles, ses brillantes études, ses succès précoces dans les examens et dans les thèses. Voilà le jeune homme en âge de choisir une carrière. Malherbe voudrait qu’il prit l’état militaire, mais Mme de Malherbe qui a reconnu de bonne heure, chez Marc-Antoine, l’humeur agressive et batailleuse de sa lignée normande, et qui craint pour lui la compagnie turbulente des gens d’épée, s’y oppose. Le poète, après avoir considéré que l’on avait vu jadis des gentilshommes du plus haut parage, alliés même à nos rois, abandonner l’épée pour la robe, céda et obtint pour son fils, une charge de judicature à Aix.

Il était écrit que les appréhensions de la mère seraient, quand même, tragiquement justifiées. À peine Marc-Antoine a-t-il pris possession de son siège, qu’une première affaire d’honneur, sans mort d’homme, lui vaut quelques jours d’arrêts. Peu de temps après, incorrigible, il provoque un bourgeois d’Aix, le tue, et se voit condamné à la peine capitale. Mais de pareilles sentences, en matière de duel, ne sont guère, alors, prises au pied de la lettre. Malherbe fait appel au Conseil du roi, et tandis que le jeune homme visite sa famille en Normandie, il obtient pour lui des lettres de grâce. Grâce inutile : quelques mois plus tard, Malherbe apprend par une lettre de Peiresc que, dans une partie de plaisir, une rixe a éclaté entre deux compagnies de jeunes gens et que Marc-Antoine est mort, d’un coup d’épée donné par un officier du nom de Paul de Fortia, seigneur de Piles.

Cette fois, le vieux poète se sent, lui aussi, frappé au cœur ; il ne se résigne pas, comme il a fait jadis pour ses deux filles et comme il voulait que son ami du Périer se résignât à son exemple. Bien que miné dans sa santé même par le désespoir et la colère, au point d’en être méconnaissable à ses amis, il jura de venger son fils et de remuer, pour cela, ciel et terre. Le ciel même, en effet, lui semble intéressé à sa querelle : n’a-t-il pas trouvé, en remontant de quelques générations en arrière, que le