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NOTICE

sieur de Piles a du sang juif dans les veines ? Il pourra donc dire au Christ, dans un sonnet célèbre, que

Les auteurs du crime
Sont fils de ces bourreaux qui l’ont crucifié !

Oui, mais pour intéresser aussi les juges terrestres, non pas seulement à la condamnation, mais au châtiment réel du coupable, il faut, — qui le sait mieux que lui ? — Qu’il y ait eu autre chose qu’un simple duel : un guet-apens. C’est précisément le cas, le beau-frère du meurtrier, Gaspar, baron de Bormes, lui ayant prêté main-forte. Leur affaire est donc mauvaise ; mais il se trouve que l’un est le fils, l’autre le gendre d’un conseiller au Parlement d’Aix. Ce magistrat leur conseille de prendre la fuite ; ils sont condamnés par défaut à avoir la tête tranchée, et, comme Malherbe naguère, ils font appel au Conseil du Roi. Malherbe, lui, va trouver le Roi en personne, le quitte avec l’assurance d’un châtiment sans rémission pour les coupables, et, quelques mois plus tard, les promesses royales n’ayant pas eu d’effet encore, le relance, au moment où il va quitter Paris, par une lettre éloquente à laquelle il joint la fameuse ode Pour le Roi allant châtier la rébellion des Rothellois et chasser les Anglais qui, en leur faveur, étaient descendus dans L’île de Ré.

La pièce est splendide ; jamais Malherbe ne s’est élevé si haut dans l’inspiration civique et patriotique ; et il prononce, vers la fin, par un retour sur lui-même, des paroles en quelque sorte testamentaires, pleines de cette héroïque et orgueilleuse mélancolie que retrouvera le vieux Corneille lorsqu’il écrira ses derniers vers à Louis XIV. On souffre seulement de rencontrer là, au lieu d’un de ces appels à la clémence et à la concorde comme Ronsard en jeta tant de fois, une adjuration au massacre, à l’extermination impitoyable et totale de ces rebelles qui sont coupables, certes, mais qui sont français :

 Marche, va les détruire, éteins-en la semence.
Et suis jusqu’à leur fin ton courroux généreux
Sans jamais écouter ni pitié, ni clémence,
Qui te parle pour eux !

On dirait que Malherbe, tout à ses propres idées de vengeance, ait confondu ici, un instant, les calvinistes de