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NOTICE

Honorât de Bueil, marquis de Racan, né en 1589 au Château de la Roche-Racan, à l’extrémité de la Touraine, était le fils, tard venu, d’un vieux gentilhomme-soldat qui, après de brillants services, s’était retiré dans ses terres. Il perdit de bonne heure son père et sa mère, et, sans fortune, eût pu être fort embarrassé pour vivre, si Anne de Bueil, sa cousine germaine, n’avait épousé le grand écuyer de Henri IV, M. de Bellegarde, qui devint le tuteur de l’enfant et le fit admettre, en 1606, parmi les pages de la chambre du roi. C’est là que, très jeune, il rencontra Malherbe, lui lut ses premiers vers et devint « son écolier. »

Malherbe d’un héros peut chanter les exploits ;
Racan chanter Philis, les bergers et les bois,

a dit Boileau ; et cela est juste. Il a tort de dire ailleurs que, pour la poésie épique,

Racan pourrait chanter, à défaut d’un Homère,

car cela est grotesque. Racan fut soldat, comme son père ; s’il n’assista pas aux derniers moments de Malherbe, c’est qu’il dut rester à la tranchée quand son vieux maître quitta La Rochelle pour aller mourir à Paris : mais s’il était capable de vivre une épopée, il n’avait aucun des dons qu’il eût fallu pour l’écrire. D’ailleurs, il n’y songea point. Soit à la cour, pendant la paix, soit en campagne, pendant la guerre, ce furent des vers pastoraux, galants ou pieux qu’il se plut à rimer.

Un jour, il s’entretenait avec Malherbe « de leurs amours, c’est-à-dire du dessein qu’ils avaient de choisir quelque dame de mérite et de qualité, pour être le sujet de leurs vers. » Racan choisit Madame de Thermes ; et comme alors, à l’instar de l’Aminta du Tasse, du Pastor Fide de Guarini, de la Diana de Montemayor, et de la française Astrée d’Honoré d’Urfé, tout le monde, en vers ou en prose, écrivait des Pastorales, il écrivit et fit représenter ses Bergeries, achevées en 1625, dont Mme de Thermes est l’héroïne sous le nom de la vertueuse bergère Arthémise. Il y est figuré lui-même par l’infortuné berger Lucidas, tandis que M. de Thermes y est l’heureux Alcidor, berger comme les autres, bien entendu. Dans la réalité, au contraire de la pièce, Alcidor