Page:Malherbe - Les Larmes de Saint-Pierre, 1596.pdf/11

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   Sont ce tes beaux deſſeins, mẽſongere & meſchãte,
Qu’vne ſeconde fois ta malice m’enchante ?
Et que pour retarder d’vne heure ſeulement
La nuit deſia prochaine à ta courte iournee,
Ie demeure en danger que l’ame qui eſt nee
Pour ne mourir iamais, meure eternellement ?

   Non, ne m’abuſe plus d’vne laſche penſee,
Le coup encores frais de ma cheute paſſee
Me doit avoir apprins à me tenir debout,
Et ſçauoir diſcerner de la treue la guerre,
Des richeſſes du ciel les fanges de la terre,
Et d’vn bien qui s’en vole vn qui n’a point de bout.

   Si quelqu’vn d’auanture en delices abonde,
Il te pert außi toſt & deſloge du monde.
Qui te porte amitié, c’eſt à luy que tu nuys :
Ceux qui te veullẽt mal, ſont ceux que tu conſerues,
Tu vas à qui te fuit, & touſiours le reſerues
A ſouffrir en vivant dauantage d’ennuis.

   On voit par ta rigueur tant de blondes ieuneſſes,
Tant de riches grãdeurs, tant d’heureuſes vieilleſſes,
En fuyant le trepas au trepas arriuer :
Et celuy qui chetif aux miſeres ſuccombe,
Sans vouloir autre bien, que le bien de la tombe,
N’ayant qu’vn iour à vivre, il ne peut l’acheuer.