Page:Malherbe - Les Larmes de Saint-Pierre, 1596.pdf/12

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   Que d’hommes fortunez en leur age premiere,
Trompez de l’inconſtance à nos ans coutumiere,
Du depuis ſe ſont veuz en eſtrange langueur ?
Qui fuſſent morts contents, ſi le ciel amiable
Ne les abuſant pas en ton ſein variable,
Au temps de leur repos euſt couppé ta longueur.

   Quiconque de plaiſir a ſon ame aßouuie,
Plein d’honneur & de bien, non ſuiet à l’enuie,
Sans iamais en ſon aiſe vn malaiſe eſprouuer,
S’il demande à ſes iours dauantage de terme,
Que fait il ignorant, qu’attendre de pié ferme
De voir à ſon beau temps vn orage arriver ?

   Et moy, ſi de mes iours l’importune duree
Ne m’euſt en vieillißant la ceruelle empiree,
Ne deuois-ie eſtre ſage, & me reſſouuenir
D’auoir veu la lumiere aux aueugles rendue,
Rebailler aux muets la parole perdue,
Et faire dans les corps les ames reuenir ?

   De ces faits non communs la merueille profonde,
Qui par la main d’vn ſeul eſtonnoit tout le monde,
Et tant d’autres encor me deuoient aduertir,
Que ſi pour leur autheur i’endurois de l’outrage,
Le meſme qui les fit, en faiſant dauantage,
Quand on m’offenceroit me pouuoit garantir,