Page:Malherbe - Les Larmes de Saint-Pierre, 1596.pdf/17

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   A la fin eſgaré (car la nuit qui le trouble
Par les eaux de ſes pleurs ſon ombrage redouble)
Soit vn cas d’auenture, ou que Dieu l’ait permis :
Il arriue au iardin, ou la bouche du traiſtre
Profanant d’vn baiſer la bouche de ſon maiſtre
Pour en priuer les bons, aux meſchans la remis.

   Comm’vn homme dolent, que le glaiue contraire
A priué de ſon fils & du tiltre de pere,
Plaignant deça dela ſon malheur auenu :
S’il arrive en la place ou s’eſt fait le dommage,,
L’ennuy renouuelé plus rudement l’outrage,
En voyant le ſuget à ſes yeux reuenu.

   Le vieillart, qui n’attend vne telle rencontre,
Si toſt qu’au deſpourueu ſa fortune luy montre
Le lieu qui fut teſmoin d’vn ſi laſche meffait.
De nouuelles fureurs ſe deſchire & s’entame
Et de tous les penſers qui trauaillent ſon ame
L’extreme cruauté plus cruelle ſe fait.

   Toutesfois il n’a rien qu’vne triſteſſe peinte,
Ses ennuys ſont des ieux, ſon angoiſſe vne feinte,
Son malheur vn bonheur, & ſes larmes vn ris :
Au prix de ce qu’il ſent, quand ſa veue abaiſſee,
Remarque les endroits, ou la terre preſſee,
A des pieds du Sauueur les veſtiges eſcris.