Page:Malherbe - Les Larmes de Saint-Pierre, 1596.pdf/18

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   C’eſt alors que ſes cris en tonnerres s’eſclattent,
Ses ſouſpirs ſe font vens, qui les cheſnes combattent,
Et ſes pleurs qui tantoſt deſcendoient mollement,
Reſſemblent vn torrent, qui des hautes montagnes,
Rauageant, & noyant les voyſines campagnes,
Veut que tout l’vniuers ne ſoit qu’vn element.

   Il y fiche ſes yeux, il les baigne, il les baiſe,
Il ſe couche deſſus, & ſeroit à ſon aiſe,
S’il pouuoit auec eux à iamais s’attacher :
Il demeure muet du reſpect qu’il leur porte :
Mais enfin la douleur ſe rendant la plus forte
Luy fait encor vn coup vne plainte arracher.

   Pas adorez de moy, quand par accoutumance
Ie n’aurois comme i’ay de vous la cognoißance,
Tant de perfections vous deſcouurent aßez :
Vous auez vne odeur de perfums d’Aßyrie,
Les autres ne l’ont pas, & la terre fleſtrie
Eſt belle ſeulement ou vous eſtes paßez.

   Beaux pas de ces beaux piez que les aſtres cõnoißẽt,
Comme ores à mes yeux vos marques apparoißent,
Telle autrefois de vous la merueille me prit,
Quand, deſia demy-clos ſouz la vague profonde,
Vous ayant appelez, vous affermites l’onde,
Et m’aßeurant les pieds m’eſtonnaſtes l’eſprit.