Page:Malherbe - Les Larmes de Saint-Pierre, 1596.pdf/21

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   Ses yeux par vn deſpit en ce monde regardent
Ses cheuaux tantoſt vont, & tantoſt ſe retardent,
Eux meſmes ignorans de la courſe qu’ils font,
Sa lumiere pallit, ſa couronne ſe cache :
Außi n’en veut il pas, cependant qu’on attache
A celuy qui l’a fait, des eſpines au front.

   Au point accouſtumé les oyſeaux qui ſommeillẽt,
Appreſtez à chanter dans les bois ſe reueillent :
Mais voyant ce matin des autres different,
Remplis d’eſtonnement ils ne daignent paroiſtre,
Et font à qui les voit ouvertement connoiſtre,
De leur peine ſecrete vn regret apparent.

   Le iour eſt deſia grand, & la honte plus claire,
De l’Apoſtre ennuyé l’aduertit de ſe taire,
Sa parole ſe laſſe, & le quitte au beſoin :
Il voit de tous coſtez qu’il n’eſt veu de perſonne
Toutesfois le remors que ſon ame luy donne,
Teſmoigne aſſez le mal qui n’a point de teſmoin.

   Außi l’homme qui porte vne ame belle & haute,
Quand ſeul en vne part il à fait vne faute,
S’il n’a de iugement ſon eſprit depourueu,
Il rougit de luy meſme, & combien qu’il ne ſente
Rien que le ciel preſent & la terre preſente,
Penſe qu’en ſe voyant tout le monde l’a veu.

Voſtre tres humble & tres obeiſſant
ſeruiteur & ſubiet, Malerbe.