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   Ce miracle d’amour, ce courage inuincible,
Qui n’eſperoit iamais vne choſe poßible,
Que rien finiſt ſa foy que le meſme treſpas :
De vaillant fait couart, de fidelle fait traiſtre,
Aux portes de la peur abandonne ſon Maiſtre,
Et iure impudemment qu’il ne le cognoiſt pas.

   A peine la parolle auoit quitté ſa bouche,
Qu’vn regret außi prompt en ſon ame le touche,
Et meſurant ſa faute à la peine d’autruy,
Voulant faire beaucoup, il ne peut dauantage
Que ſouſpirer tout bas, & ſe mettre au viſage
Sur le feu de ſa honte vne cendre d’ennuy.

   Les arcs qui de plus pres ſa poitrine ioignirent,
Les traits qui plus auant dans le ſein l’atteignirent,
Ce fut quand du Sauueur il ſe vit regardé.
Les yeux furent les arcs, les œillades les fleſches
Qui percerent ſon ame, & remplirent de breſches
Le rampart qu’il auoit ſi laſchement gardé.

   Ceſt aſſaut comparable à l’eclat d’vne foudre,
Pouſſe & iette d’vn coup ſes deffenſes en poudre,
Ne laiſſant rien chez luy, que le meſme penſer
D’vn homme qui tout nu de glaiue & de courage,
Voit de ſes ennemis la menace & la rage,
Que le fer en la main le viennent offencer.

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