Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1035

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Ce dire relativement répandu n’a de valeur que pour très peu de Mots : à savoir les seuls qui. dès l’époque de la Conquête Normande, demeuraient ici même solennels et inamovibles, soit juridiques, soit savants; on n’osa point y toucher. à cause du décorum très spécial qu’ils gardaient. Citez advocate. tel et tel autre, et ne prolongez pas de beaucoup votre citation. Pour tout le reste, immense! oubliez-vous, en effet, que nos Mots de formation populaire, c’est-à-dire ceux-là qui s’étaient déformés du Latin en Français, spontanément quoique lentement et par maint acte instinctif de gens illettrés, roulaient déjà loin du point de départ quand, répétés en Angleterre par les humbles et les vaincus, ils subirent de nouveau une altération. Ce qui donna batti.e, de bataille, captain, de capitaine, fee, Ae fief; et brace, et to annoy et frailty, où tout le monde ne reconnaîtra pas le Français du premier coup, et moins le Latin! Tout autre, l’explication à chercher, et plus générale : mais où ? certes, dans l’Histoire; il s’agirait de reprendre l’aventure de la Langue Anglaise, au point où vous la quittâtes. L’enthousiasme, qui porta les savants français à ouvrir, au vent du siècle, les Lexiques grecs et latins, pour disperser chez nous le plus de Vocables possible, mêlés désormais comme les nôtres mêmes à l’air que l’on respire : il se produisit en Angleterre. Seulement dans des conditions un peu différentes, et c’est clair; car l’Anglais ne se trouvait pas, vis-à-vis du Latin notamment, dans la même situation que nous. Pas issu directement du Latin, l’Anglais ne pouvait faire passer de cette langue chez lui un Mot quelconque, à moins qu’il n’empruntât les procédés de dérivations retrouvables dans l’un des idiomes néo-latins (or, c’est au nôtre qu’il avait eu et qu’il eut encore à faire). Une preuve très flagrante de cette difficulté ressentie par l’Anglais vis-à-vis du Latin pur et même vis-à-vis de tout autre parler, quand il ne prend pas le parti très simple de figurer du tout au tout le Mot, éclate dans le grand nombre de termes empruntés crûment et comme plaqués ensuite sur le parler du jour; ce sont, entre beaucoup : Circus, genius, Genus, impetus, interregnum, isthmüs, miser, obit, pabulum, radix, resi-puum, series, etc. Rien de plus bizarre que ceux des Mots de ce groupe qui affectent des significations tout à fait ignorées de l’antiquité, industrielles comme terminus, gare de chemin de fer; ou simplement familières, ainsi que quidnunc, un curieux, quorum, membre d’une association, etc. Quel moyen de ne pas céder à cette fatalité bizarre : en est-il un ? il en est deux. La formation a, tantôt, lieu avec nombre de Mots, que nous n’avions pas songé à demander au Latin, cela très régu-