Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1187

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Erinys, sont, en grec, des mots qui ne présentent aucun sens. Or ils s’expliquent dans la vieille mythologie de l’Inde, et l’on voit qu’Erinys est l’aurore lorsqu’elle « rampe dans le ciel »; Argynnis, un nom du matin, désignant ce qu’il a de brillant; Phoronée, c’est le dieu du feu, Bhuranyu. Tel cas même se présente où la vieille signification des mots n’est point totalement effacée. Voyez l’histoire d’Endy-mion; Séléné, qui le visite, y est encore la lune : tout ce que l’on avait oublié, c’est qu’Endymion était le nom du soleil quand il plonge dans la mer, si bien qu’on prit celui-ci pour un jeune homme que la lune avait regardé complaisamment. Beaucoup de noms, dans la mythologie grecque notamment, s’expliquent de cette façon : peut-être le plus grand nombre. Ainsi Phoibos veut dire seigneur de « la lumière » ou de « la vie »; et Délos, où est né le dieu, veut dire « la terre brillante »; c’est de là qu’il est aussi appelé Lykégénès, issu de la lumière. Sa mère est Léto (Latona), qui veut dire « la nuit d’où semble surgir le soleil ». Ainsi encore Endymion, dont nous avons tout à l’heure entrevu la signification, soleil couchant, dort en Latmos, « la terre de l’oubli ». Un detail à noter, c’est que les mêmes noms, ou des noms tout semblables entre eux, appartiennent à la fois, dans ces contes, aux hommes et aux femmes. Je cite. La mère de Cadmos et d’Europe est Téléphassa, qui veut dire « celle qui brille de loin », ou simplement une autre forme du nom de Téléphos, qui est aussi enfant d’Augé, « la lumière ». Toujours de même, les noms d’Europe et d’Eurytos, d’Eury-niédon, Euryanassa, Euryphassa. et nombre d’autres, désignent une lumière « répandue au large », comme celle de l’aurore quand elle s’élance par le ciel. Les incidents enfin se ressemblent entre eux aussi étroitement que les noms. Exemple : dans un très grand nombre de légendes, maints parents, avertis que leur fils les détruira, exposent cet enfant, qui est sauvé par une bête sauvage et élevé par un berger. Les enfants grandissent toujours beaux, braves, forts et généreux; mais, à leur insu ou contre leur volonté, ils accomplissent la prédiction faite avant leur naissance et sont les meurtriers de leurs parents. Qui ne se rappelle plusieurs contes ayant en commun ce trait! Persée, Œdipe, Kuros (nommé à tort, en français, d’après le latin exclusivement : Cyrus). Paris, Romulus, sont tous exposés, petits enfants; tous sauvés de la mort et découverts à cause de la splendeur de leur physionomie et de la dignité de leur port. O11 consciemment ou inconsciemment Persée tue Acrisios, (Edipe tue Laios, Kuros égorge Astiage, Romulus tue Amulius, ainsi que Paris cause la mort de Priam et la ruine de Troie. Cherchons d’autres traits communs présentés par ces histoires. Les héros ont généralement une vie courte,