Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1230

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tueux, de façon à ce qu’elles parussent retourner vaguement au lieu d’où il les ravissait; ses propres pas, il les couvrit de feuilles de myrte et de tamaris. Un jour, rencontrant un pauvre vieillard travaillant dans une vigne près d’Onchestos, ce malin lui chuchota à l’oreille l’avertissement « de prendre garde de trop se rappeler ce qu’il venait de voir ». Hermès atteignit, quand se montra l’aube suivante, le fleuve Alphée; et là, réunissant des morceaux de bois, il les frotta jusqu’à ce qu’une flamme éclatât. Ce fut le premier feu allumé sur terre, et c’est pourquoi on appelle le dieu « celui qui donna le feu aux mortels ». Le jeune voyageur prit ensuite deux des bêtes du troupeau et coupa leur viande en douze parts, mais ne mangea pas cette chair rôtie, bien que pressé cruellement par la faim. Il éteignit le feu, foula de toute sa force les cendres et, se hâtant vers Cyllène, pénétra dans la caverne par le trou de la serrure, doucement et légèrement ainsi qu’une brise d’été. Il se coucha comme un petit enfant, jouant d’une main avec ses drapeaux, pendant que sa droite y tenait cachée la lyre d’écaille. Le vol fut découvert. Phoïbos, quand vint à poindre le matin, arrivant à Onches-tos, vit qu’on lui avait volé ses troupeaux; retrouvant à son tour le vieillard à l’ouvrage dans sa vigne, il lui demanda s’il savait qui les avait pris : mais celui-ci se rappela l’avertissement d’Hermès, et ne put se remémorer autre chose, sinon qu’il avait vu le bétail en marche et un petit enfant à côté. Que fait Phoïbos entendant cela ? Drape d’une brume de pourpre, il va vers le beau Pylos, sur les traces confuses du bétail qu’il suivit à la caverne de Maïa. En y entrant, il aperçoit l’enfant Hermès endormi; et, l’éveillant rudement, demanda le bétail. L’enfant plaide son jeune âge. Un enfant d’un jour ne peut voler un troupeau ni même savoir ce que c’est que des vaches. Hermès, en faisant cette réponse, cligna malicieusement de l’œil et fit entendre un rire pareil à un doux et long sifflement, tout comme si les paroles de Phoïbos l’avaient puissamment amusé. Phoïbos n’accepta pas cette excuse, il saisit l’enfant dans ses bras; mais Hermès fit un si grand vacarme, qu’il le laissa vivement choir. Phoïbos voyant dans ce fait un signe qu’il retrouverait ses vaches, dit à Hermès d’ouvrir la marche. Hermès, se levant de peur, tira les drapeaux par dessus ses oreilles, et reprocha à Apollon sa dureté. «Je ne sais rien d’une vache, dit-il, que son nom. Zeus doit, dans cette querelle, décider entre nous. » Voici le jugement de Zeus. Quand le dieu souverain eut entendu la plainte d’Apollon et écouté Hermès, lequel, clignant toujours des yeux et haussant les draps à ses épaules, protestait qu’il ne savait point faire un mensonge, et ne savait que jouer, comme les autres petits enfants, dans son berceau, Zeus rit et ordonna à Phoïbos et au