Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1308

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— « Faire! » rétorqua la Princesse, ôtant son mouchoir de ses yeux et faisant voir à la servante épouvantée l’enflure et l’inflammation des paupières; « vous pouvez bien demander ce qu’il vous sied de faire maintenant, quand j’ai souffert le supplice par votre inattention. Pourquoi n’étiez-vous pas ici auparavant ? » s’informa-t-elle, très colère. — « Si j’avais eu l'idée que Votre Altesse Royale eût besoin de moi, je serais venue sur-le-champ », balbutia la fille avec terreur; « mais il est rare que Votre Altesse Royale revienne d’aussi bonne heure, et je n’ai point entendu sonner. » — « Comment pourrais-je trouver la sonnette, quand je suis aveugle ? » fit la Princesse toujours en fureur et frappant du pied : « A l’avenir, si vous n’êtes pas dans ma chambre toutes les fois que j’ai besoin de vous, vous serez chassée. Allez tout de suite chercher mes parents : qu’on fasse quelque chose pour calmer la cuisante douleur de mes yeux! Ne perdez pas un instant, entendez-vous ?... » dit-elle d’une voix stridente, pendant que la servante affolée de peur attendait pour savoir s’il y avait encore des ordres. S’élancer pour obéir déjà aux premiers mots, fut le mouvement de ccttc fille, murmurant tout comme elle allait : « Tyrannique petite personne! elle mérite bien de souffrir! » ce qui parvint à l’oreille de Blanche, dont s’aiguisait l’ouïe depuis sa souff rance. — « Oh ! l’être misérable que je suis ! » s’exclama-t-elle, sa rage presque épuisée et comme elle ne ressentait plus que la douleur et l’abandon. « Affligée et pas aimée, à quoi sert la vie ? Même ma servante qui n’a pas pitié de moi et ne m’assistera que parce qu’elle y est forcée! » Et elle se remit de lassitude à chercher son lit. Le Roi et la Reine furent promptement à son chevet, alarmés et fort surpris de cette cécité soudaine. — « Envoyez chercher les premiers oculistes du royaume », s’écria l’enfant ; « qu’ils calment ma douleur, s’ils ne me peuvent rendre la vue. » On se conforma immédiatement à sa prière : des messagers furent dépêchés à travers tout le royaume, en quête des plus habiles oculistes, qui arrivaient, chacun à leur tour, au palais. Pas une de leurs lotions cependant ne put soulager le mal; et ils déclarèrent enfin que rien d’autre qu’un pouvoir magique ne saurait guérir la Princesse, attendu qu’ils avaient en vain épuisé leur science. Or la petite fille s’agitait d’impatience dans son lit, nul autour d’elle n’étant capable de la soigner; tandis que la nouvelle de cette calamité se répandait dans le pays. Mais un jour, dans son désespoir, elle appela à grands cris la Fée Bonté, implorant son aide. Immédiatement parut aux portes du Palais une petite vieille presque aveugle, qui demandait accès, insistant sur ce qu’elle pouvait apporter à la Princesse du soulagement.