Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1476

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« Transfuge du noir château seigneurial d’Hérodiade, poursuivez-vous en battant le sol d’un sabot poilu Yanthe et Zanthé par les fontaines. » En mai également, Emmanuel des Essarts lui donnait le conseil : « Si tu reprends le Faune, tâche de te plier à quelques-unes des exigences scéniques; la pièce peut être merveilleuse, mais il faut qu’elle soit possible pour l’auditoire. Coquelin croit que tu peux en tirer un excellent parti », et le 2 novembre suivant, une lettre du meme ami parle de sa venue prochaine à Tournon, et « du bonheur d’y voir grandir Hérodiade et le Faune, ces adorables jumeaux... » Puis le silence tombe sur le Faune : est-ce au cours de l’été 1866 que Mallarmé le mena au point et en l’état où nous le connaissons aujourd’hui ? On n’en peut décider faute de tout document. Dix ans s’écoulèrent avant que VÉglogue parut : ces délais sont assez usuels dans l’histoire des ouvrages de Mallarmé : on n’en peut déduire qu’ils ne parurent qu’au moment où leur auteur s’en montrait enfin satisfait : le hasard seul a pu tout aussi bien les faire sortir du tiroir où l’insouciance d’un poète toujours insatisfait les maintenait, et dans l’état, peut-être, où ils finirent par paraître. Bien des années plus tard, en 1891, Mallarmé, parlant du Faune à Jules Huret qui menait une enquête sur l’état de la littérature, lui disait : « J’y essayais de mettre, à côté de l’alexandrin dans toute sa tenue, une sorte de feu courant pianoté autour, comme qui dirait d’un accompagnement musical fait par le poète lui-même et ne permettant au vers officiel de sortir que dans les grandes occasions. » On peut de même épiloguer à loisir sur l’origine du thème du « faune » dans l’œuvre de Mallarmé. On a pu voir une apparition très fortuite de ce personnage mythologique O faunes ivres dans la mousse !... dès l’un des premiers poèmes de la jeunesse de Mallarmé, Soleil d'Hiver. Albert Thibaudet, dans la Poésie de Stéphane Mallarmé, p. 594, a assuré que le motif de P Après-midi d'un Faune avait été suggéré par un tableau de Boucher figurant à la National Gallery de Londres et représentant un Faune et des Nymphes : c’est une supposition gratuite et assez peu vraisemblable, étant donné les deux ou trois années qui s’écoulèrent entre le moment où le poète habita Londres et celui où il entreprit son « monologue ». Mieux vaudrait invoquer, comme suggestion, ces vers de Musset dans Folia que Mallarmé n’ignora pas. Fegrettes^-vous le temps où les nymphes lascives Ondoyaient au soleil parmi les fleurs des eaux Et d'un éclat de rire agaçaient sur les rives Les Faunes indolents couchés dans les roseaux.