Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1518

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quelque part le poëte, les nuages d’un ciel qui courent en l’obscurcissant devant une étoile. A ces visions, sans les nommer, conduisent les quatrains : ils les suggèrent, les créent en nous, des deux n’en font qu’une, chacune étant la métaphore de l’autre. Quant au Poëte, malgré les hasards, malgré la voie vagabonde de sa destinée, il demeure — est-ce son souvenir ou ses vers ? les deux — auprès de nous, intimité délicate et tendre, et la mort est un frêle accident qui à sa pure nature n’a rien changé. » (La Poésie de Stéphane Mallarmé, p. 508.) P. 71. HOMMAGE (1885.) Ce sonnet parut d’abord sous le titre Hommage à Magner dans le numéro du 8 janvier 1886 (p. 335) de la Revue ivagnérienne. Dès janviers 1885, Édouard Dujardin avait demandé à Mallarmé sa collaboration pour la Revue n’agnérienne. Celui-ci lui envoya un sonnet, mais sans aucun lien avec le wagnérisme et qui n’y put paraître : en s’en excusant, Édouard Dujardin, par une lettre du 21 janvier 1885 renouvelait sa demande, et la renouvela encore en septembre suivant; Mallarmé y répondait ; « Un quatrain, moi qui suis malade et obsédé de devoirs, me jette quinze jours dans l’âpre sentier que je gravis mentalement. Mais nous recauserons aux premiers jours d’octobre, qui s’annonce; et si, quand vous clorez votre an wagnérien, j’ai l’éclaircie qu’il faut pour vous donner des vers, vous les aurez : mais je ne puis rien promettre, hélas ! d’autant mieux que je ne vois pas du tout l’épilogue même banal que je pourrais ajouter à tant de choses suggestives écrites sur Wagner chez vous : non, je suis le seul à qui cette tâche n’incombe pas exactement. » « L’Hommage à Wagner, sonnet de transition, dit Albert Thi-baudet, reste très classiquement composé. Premier quatrain : le vieux décor, le vieux théâtre, sur qui la poussière figure la banalité, le déjà vu. Second quatrain : la vieille poésie, qui n’est plus un chant ailé, mais une matière de bibliothèque. Tercets : le théâtre régénéré par la musique xvagnérienne, dont le rayonnement transfigure aussi le livre. Le premier quatrain correspond au premier tercet (théâtre ancien — théâtre nouveau), le second quatrain au second tercet (livre mort — livre vivant) et le sonnet est construit sur les deux motifs entrecroisés du théâtre et du livre. » (La Poésie de Stéphane Mallarmé, p. 307.) Écrit après Richard Wagner, rêverie d’un poëte français, l’Hommage en est, en quelque sorte, une redite, utilisant un vocabulaire souvent ou presque identique; et, comme la page de prose, louant le musicien d’avoir réalisé, ou au moins approché, ce drame idéal auquel, lui, n’a cessé de rêver.