Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1625

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LE TEN O’CLOCK (Paris, mars-avril 1888.) Une lettre à Édouard Dujardin (20 avril 1888) précise la date et certaines conditions de cette traduction : « Voici le Whistler. Je préfère ne le revoir avec Griffin que mis en page et propre : envoyez-le-moi donc aussitôt que nettoyé, il n’y aura plus du reste à corriger que les fautes laissées par l’imprimeur. Alors nous conviendrons avec Griffin, si cela lui agrée de la suppression de son nom : et je vous demanderai le temps de communiquer la chose à Durct qui m’en a prié. Mais récrivez vite à Whistler, pour que cela puisse passer dans ce numéro de la revue, puisque la publication en article n’est que la conséquence de l’autre en brochure. » D’aprcs un billet de Mallarmé au même correspondant, cinq jours plus tard, Vielé-Griffin semblait désireux que son nom parût avec le sien. On ne sait, en fin de compte, pourquoi il ne figura pas. La plaquette parut à la fin de 1888 (voir Bibliographie, p. 1335) après que le texte en eût paru dans le numéro de mai 1888 de la Revue Indépendante. « Quoique sachant fort bien l’anglais, a déclaré George Moore, Mallarmé, qui traduisait Whistler était parfois embarrassé pour rendre certaines allusions de l’auteur à quelques côtés de la vie anglaise, incompréhensibles pour tout autre que pour un Anglais. Il me demandait alors de lui expliquer Art is not the tours. J’en explique le sens à Mallarmé qui me dit : « Je ne peux pourtant pas écrire : l’Art fait le trottoir »; puis il réfléchit un instant et dit : « l’Art court la rue. » Tout le texte y passa. Je vous laisse à penser quelle admirable leçon de français ce fut pour nous. » (Nouvelles littéraires, 13 octobre 1923.) Whistler marqua aussitôt sa satisfaction au traducteur. « Me voici content que vous le soyez, répondit celui-ci. J’ai fait comme pour moi, naturellement, et cela m’a été d’autant plus facile que je sympathisais tant avec votre vision de l’art. Merci de l’amicale intelligence du moindre de mes efforts; mais surtout de l’aide absolument précieuse que vous m’apportez après coup, en détail et avec une si jolie netteté. J’en ai déjà fait mon profit. » On rappelle que, parmi les disciples les plus fidèles et admiratifs de Mallarmé, l’un d’eux qui lui avait dû la connaissance de Whistler en a tracé une image à peine romanesque dans un de ses ouvrages : c’est J lenri de Régnier, dans son roman la Peur de P Amour, sous le nom de Cyrille Buttelct. Il a spécifié lui-même l’original de son personnage dans un article Sur Mallarmé qui forme une des Proses datées, recueil publié au Mercure de France en 1925, et qui a trait aux rapports de Mallarmé et de son fantasque et véridique portraitiste, et aux souvenirs qu’l lenri de Régnier gardait de cette double-rencontre et des visites qu’il avait faites à l’artiste dans son atelier de la rue du Bac.