Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/273

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Le livre a donc réalisé son rêve, et su choisir, au milieu des brillantes et diverses qualités de l’auteur, celles seules qui lut convenaient, ce qui est immense. Ajoutons qu’il est quelques craintes que ce titre : les Poésies Parisiennes, eût pu faire naître chez ceux qui ne connaissent pas Emmanuel des Essarts et qui se dissipent dès qu’on entr’ouvre le volume. Ainsi l’on avait à s’attendre, dans cette fantaisie moderne, à quelques reflets involontaires de Th. de Banville; mais, dans les Poésies Parisiennes, ce n’est plus cet idéal étincelant et moqueur et harcelant la réalité de sa flèche d’or, qui vous enivre dans les vers exquis de ce divin maître : c’est un idéal sincère s’élevant au-dessus du réel et le prenant au sérieux. On eût pu appréhender encore cet exécrable ton cavalier volé à Musset : ce plumage d’or, paon fanfaron dont se parent tant de geais; mais la Thalie d’Emmanuel des Essarts ne met pas le bonnet de Mimi Pinson. Jamais non plus de ces divagations qui sont la caricature de la rêverie : ni de passions d’autrui qu’on pâlit en se les appropriant; on sent que l’auteur a vécu son œuvre. Enfin, pour ne pas marcher sur les traces de Scudéry, et pour cela uniquement, je hasarderai, en terminant, quelques critiques qu’il m’a fallu chercher longtemps. Certains vers parfois ont plus d’ampleur que la pensée qu’ils revêtent et pourraient faire songer les médisants à un certain amour du beau vers, la pire des choses. Dans le délicieux poëme de la Pantomime, le portrait de Pierrot, qui doit résumer tous les instincts bas de l’homme, me semble un peu trop charmant; Pierrot n’est pas ce gamin, ce moineau-franc. Un dernier reproche, mais un grand : je n’ai jamais compris qu’un poëte médit des blondes. Je sais que la Muse d’Em. des Essarts doit être brune : les brunes ont seules cette vivacité et seules peuvent inspirer ces vers frappés et nerveux. Mais l’idéal de la femme, — c’est-à-dire d’une des facettes de la beauté, ce diamant, — n’est pas la brune. Eve était blonde; Vénus blonde. La blondeur, c’est l’or, la lumière, la richesse, le rêve, le nimbe ! Quoique le poëte soit dans son livre entier, il n’est pas entier dans son livre; et pourtant, chose rare, son premier livre, — oh ! le premier volume de vers ! — s’appartient, et son début n’est pas un essai. De grands esprits ont commencé par le pastiche : Em. des Es-