Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/722

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à lui et à la peinture une voie nouvelle, que certes, un attachement à des points de vue anciens mais n’ayant peut-être pas encore livré tout leur secret, les tenait au cœur fortement, et non pas une cécité totale quant au présent. On a cru avoir à fermer les yeux davantage : gratuitement. Le jour où le public, lassé, se lassera tout à fait, que faire, sans l’appât destiné, dans de sages prévisions, à contenter le juste goût du neuf? La foule, à qui l’on ne cèle rien, vu que tout émane d’elle, se reconnaîtra, une autre fois, dans l’œuvre accumulée et survivante : et son détachement des choses passées n’en sera cette fois, que plus absolu. Gagner quelques années sur M. Manet : triste politique ! Le maître nouveau, qu’on a vu, dans une pensée supérieure et avec une sagacité mal comprise, présenter annuellement le développement de sa manière, toujours de plus en plus accusé et de plus en plus antipathique, par conséquent, avait le droit d’attendre que le sous-entendu, impliqué par sa démarche, fût compris, à la longue, de juges délicats et soucieux de rien autre chose que du talent. Le jury a préféré se donner ce ridicule de faire croire, pendant quelques jours encore, qu’il avait charge d’âmes. ERECHTHEUS Tragédie par Swinburne* Sous un ciel de deuil stagnant et d’hiver, l’âme nationale célébrant le Noël chrétien, voici qu’à l’ère même fêtée antérieur, magnifique, religieux aussi, l’écho de quelques beaux vers (fragment resté le seul d’une tragédie d’Euripide qu’un discours de l’orateur Lycurgue enchâsse) a fourni à la voix la plus grande de l’Angleterre actuelle quelque dix-sept cents vers, qui feront compter par ce pays la fin de l’autre année entre les temps de fastes de sa littérature. L’œuvre du jeune poète dont la

  • Erechtheus, a Tragcdy, by Algernon Charles Swinburne : crown 8 v°. Chatto and Windus, London, 1876.