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Mme P…… répond. Elle paraît, à une séance de l’Athénée, — extraordinaire réunion de beaux esprits, — la taille élancée, le regard audacieux, la voix pure et sonore ; elle monte à la tribune, et riposte par une Épître aux femmes, où elle dit :

    De l’étude de l’Art la carrière est ouverte ;
    Osons y pénétrer. Eh ! qui pourrait ravir
    Le droit de les connaître à qui peut les sentir !

Elle aurait complètement gagné sa cause, dit Sophie Gay, « si, fière d’avoir rimé des vers charmants, elle avait renoncé au vain plaisir de les lire elle-même… Car si la manie des vers rend une femme ridicule, le goût des arts ajoute à son amabilité. C’est au mérite de ses ouvrages qu’est attaché le pardon d’un auteur féminin. » Tant de femmes écrivent que déjà l’on peut dire : « Quand une femme écrit, elle est une dixième Muse ; quand elle n’écrit pas, elle a encore la ressource de se croire la modeste violette », pensée notée sans signature dans les Causeries du monde, mais qui porte indubitablement la griffe de Sophie Gay[1].

Donc, comme tout le monde, elle écrit son roman, et, comme tout le monde, elle l’intitule Laure d’Estell. Elle ne signe pas. Il faudrait ne pas appartenir à la société parisienne pour en ignorer l’auteur. Lorsque Sainte-Beuve se documenta, avec le soin méticuleux que l’on sait, pour rédiger son étude sur Sophie Gay, Aglaé de Canclaux, désireuse de

  1. Marquiset : les Bas-Bleus du premier Empire, Paris, 1913, in-8o, p. 3. — Sainte-Beuve : Lundis, VI, 68. — Sophie Gay : les Malheurs d’un amant heureux, I, 256, et Causeries du monde, II 69.