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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/152

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SANS FAMILLE

Comment rester en colère devant une pareille réponse ? Je riais et nous reprenions la leçon.

Mais en musique les mêmes difficultés ne s’étaient pas présentées, et dès le début Mattia avait fait des progrès étonnants, et si remarquables, que bien vite il en était arrivé à m’étonner par ses questions ; puis après m’avoir étonné, il m’avait embarrassé, et enfin il m’avait plus d’une fois interloqué au point que j’étais resté court.

Et j’avoue que cela m’avait vexé et mortifié ; je prenais au sérieux mon rôle de professeur, et je trouvais humiliant que mon élève m’adressât des questions auxquelles je ne savais que répondre ; il me semblait que c’était jusqu’à un certain point tricher.

Et il ne me les épargnait pas les questions, mon élève :

— Pourquoi n’écrit-on pas la musique sur la même clef ?

— Pourquoi emploie-t-on les dièses en montant et les bémols en descendant ?

— Pourquoi la première et la dernière mesure d’un morceau ne contiennent-elles pas toujours le nombre de temps régulier ?

— Pourquoi accorde-t-on un violon sur certaines notes plutôt que sur d’autres ?

À cette dernière question j’avais dignement répondu que le violon n’étant pas mon instrument, je ne m’étais jamais occupé de savoir comment on devait ou l’on ne devait pas l’accorder, et Mattia n’avait eu rien à répliquer.

Mais cette manière de me tirer d’affaire n’avait pas