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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/341

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SANS FAMILLE

— Moi je crois que nous avons beaucoup plus de chances pour cela en France.

— Enfin essayons toujours en Angleterre ; nous verrons ensuite.

— Sais-tu ce que tu mérites ?

— Non.

— Que je t’abandonne, et que je retourne tout seul en France.

— Tu as raison ; aussi je t’engage à le faire ; je sais bien que je n’ai pas le droit de te retenir ; et je sais bien que tu es trop bon de rester avec moi ; pars donc, tu verras Lise, tu lui diras…

— Si je la voyais je lui dirais que tu es bête et méchant de pouvoir penser que je me séparerai de toi quand tu es malheureux ; car tu es malheureux, très-malheureux ; qu’est-ce que je t’ai fait pour que tu aies de pareilles idées ; dis-moi ce que je t’ai fait ; rien n’est-ce pas ? eh bien, en route alors.

Nous voilà de nouveau sur les grands chemins ; mais cette fois, je ne suis plus libre d’aller où je veux, et de faire ce que bon me semble ; cependant c’est avec un sentiment de délivrance que je quitte Londres : je ne verrai plus la cour du Lion-Rouge, et cette trappe qui, malgré ma volonté, attirait mes yeux irrésistiblement. Combien de fois me suis-je réveillé la nuit en sursaut, ayant vu dans mon rêve, dans mon cauchemar une lumière rouge entrer par ma petite fenêtre ; c’est une vision, une hallucination, mais qu’importe ; j’ai vu une fois cette lumière, et c’est assez pour que je la sente toujours sur mes yeux comme une flamme brûlante.