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j’aimerais autant que ce ne fussent pas les enfants d’un percepteur ; qu’en penses-tu ?

— Il y a percepteurs et percepteurs, répondit la comtesse.

— Sans doute, répliqua le comte.

— J’ai vu dans la rue la femme et les enfants du nouveau percepteur ; cette jeune femme m’a paru une personne du meilleur monde. Quant aux enfants, je les ai trouvés charmants.

—Mais, objecta le comte, il est bien difficile de juger des gens à premiere vue.

— Vous avez parfaitement raison, dit la comtesse. Mais, si Nathalie a vraiment vu ce qu’elle dit qu’elle a vu, si de plus Mme de Servan permet que l’on conduise son neveu chez nos voisins, il me semble que l’on peut accepter son jugement, car c’est une des personnes les plus sévères du donjon.

— L’argument est sans réplique, répondit le comte. Nous pourrons consulter Il 'me de Servan ; mais il restera encore une difficulté.

— Laquelle ?

— Nous ne pouvons pas envoyer nos enfants chez ces gens sans les connaître personnellement. D’un autre côté, nous ne pouvons pas faire visite à des nouveaux venus ; et je ne crois pas que l’accueil fait aux autres percepteurs soit de nature à engager celui-ci à entreprendre une tournée de visites. La difficulté me semble insoluble.

— La difficulté peut être grande, reprit la comtesse en souriant, mais elle ne me paraît pas insoluble. N’est-ce pas à peu près l’époque où vous envoyez Joseph payer vos impositions ?

— D’habitude c’est un peu plus tard, parce que je les paye en une seule fois ; mais rien ne m’empêche de devancer l’époque, si vous y voyez quelque utilité.

— J’y vois, reprit la comtesse, une très grande utilité. Qui vous empêche d’aller vous-même au bureau du percepteur, à l’heure où vous êtes sûr de le rencontrer ? qui vous empêche de lier conversation avec lui ? d’être aimable comme vous savez l’être quand vous voulez, et de lui laisser entendre, à mots couverts, que l’on n’éprouverait nulle répugnance à recevoir sa visite et celle de sa femme. »

Le comte se regardait les ongles d’un air perplexe ; c’était un bonhomme plein de droiture, mais il n’était pas né diplomate, et,