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de l’état-major et constata que la Silleraye est sur la grande route de Tours à Châteauroux, mais bien plus près de Tours que de Châteauroux.

Il se souvint aussitôt que le capitaine Maulevrier, son ancien camarade de Saint-Cyr, était en garnison à Tours, et il lui écrivit pour le prier de pousser une reconnaissance jusqu’à la Silteraye, de prendre langue, et de lui louer une mai on. Il s’excusait de lui imposer cette corvée ; mais il se ressentait encore des suites de la campagne, et, par ordre du médecin, se ménageait « comme une poule mouillée ».

Le capitaine Maulevrier reçut cette lettre un quart d’heure après le départ de la diligence de Châteauroux, sans quoi il serait parti le jour même ; car, outre qu’il était l’obligeance en personne, il avait pour habitude de ne jamais remettre à demain ce qu’il pouvait faire aujourd’hui.

Si ce contretemps lui fit perdre vingt-quatre heures, il lui pro cura l’inestimable avantage de faire le voyage en compagnie d’un conducteur philosophe. Le service des diligences de Tours à Chateauroux, et vice versa, exigeait le concours de deux conducteurs qui faisaient la navette entre les deux villes, partaient aux mêmes heures et se croisaient à mi-chemin.

Le conducteur non philosophe était un grand Breton, décharné, taciturne et maussade, qui ne parlait qu’à ses chevaux, et pas toujours poliment. Le conducteur philosophe était un gros petit homme rougeaud, alerte, laconique ou bavard, selon les circonstances, et toujours un peu narquois, qui répondait au nom de Pichon.

Dans ce temps-là, les gros petits hommes rougeauds, alertes et narquois, abondaient dans cette belle province de Touraine ; ce qui distinguait Pichon des autres, c’est qu’il était profondément marqué de la petite vérole, portait des boucles d’oreilles en argent, et n’avait à son service qu’un œil et demi au lieu de deux.

Soit caprice de la nature, soit effet de la maladie qui avait couturé le visage de M. Pichon, son œil droit était de moitié plus petit que