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pas vers la porte. Mais il se souvint de sa malle et se retourna.

Son neveu la tenait déjà d’un côté, et sa nièce se disposait à soulever l’autre côté après avoir enroulé un coin de son tablier autour de la poignée de fer qui était dure et anguleuse.

« Pas de ça ! s’écria l’oncle Pichon avec une extrême vivacité, ma petite, c’est trop dur pour vous. Oh ! la rusée commère ! elle a pourtant trouvé moyen de me forcer à lui rendre son marmot. Prenez-le, ma chère, et lâchez tout de suite cette poignée. »

Mme André Pichon out beau protester qu’elle n’était pas une rusée commère, M. Pichon lui prouva clair comme le jour qu’elle n’était pas de force à soulever une malle, qu’elle le savait bien, et que si elle avait fait mine de s’en mêler, c’était pour mettre son oncle en demeure de prendre sa place et de lui rendre son enfant. Eh bien ! qu’est-ce qu’elle aurait dit s’il avait porté la malle d’une main en tenant le jeune Vincent sur l’autre bras ?Elle aurait eu grand’peur, et c’eût été bien fait !

La nièce commençait à comprendre le caractère de son oncle: aussi se contenta-t-elle de sourire et elle entra dans la maison pour préparer les rafraîchissements.

Quand les deux hommes eurent déposé provisoirement la malle dans un coin, ils vinrent s’asseoir devant une petite table carrée qui occupait le milieu de la pièce, et sur laquelle la jeune ménagère avait déjà étalé une nappe bien blanche. Elle tira d’un dressoir un couteau, une fourchette, une assiette et plusieurs verres, et du garde-manger un plat de bœuf à la mode fortement entamé.

« Ça sent bon ! dit l’oncle Pichon en se penchant sur le plat de bœuf à la mode.

— Elle cuisine bien ! fit observer André avec orgueil.

— Ça c’est une grande qualité ! » dit l’oncle Pichon.

En ce moment la jeune femme s’approcha de son oncle, et lui dit: « L’enfant me gêne pour aller à la cave, c’est trop froid pour lui, et il aurait peur ; voulez-vous me le tenir un instant. »

Elle lui abandonna le précieux marmot et disparut vivement par la porte du fond.

« N’importe, s’écria l’oncle Pichon tout ému, les femmes vous ont quelquefois des idées bien gentilles ; et bonne cuisinière avec cela ! André, tu as une bonne femme, et j’ai une bonne nièce, et toi, filleul, tu as une bonne mère. Nous aurons à causer sérieusement