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cipita sur sa redingote, qui était pliée sur une chaise. Alors, fouillant dans la poche de côté, il en tira quelque chose qu’il éleva brusquement en l’air. C’était une pipe aussi noire que l’ébène.

« Et maintenant, dit-il à son neveu, répète voir un peu ta question ! »

Cette nouvelle facétie de l’oncle Pichon porta au comble l’admiration qu’il avait excitée. Son neveu ne put s’empêcher de lui dire qu’il n’avait jamais vu un homme aussi farceur que lui ! L’oncle Pichon riposta modestement qu’il n’était pas comme cela tous les jours, et que sa verve dépendait de la couleur du temps et de la figure des gens.

Ses auditeurs, sans commettre le péché d’orgueil, purent conclure de cette importante communication que le temps devrait être particulièrement beau, et la figure des gens singulièrement au goût de l’oncle Pichon.

Les déclarations de cette nature ne sont pas pour déplaire à ceux qui les écoutent, et nous ne refusons guère notre sympathie à ceux qui nous accordent la leur de si bonne grâce. Aussi l’oncle Pichon s’était-il rendu universellement populaire, même avant la distribution des canards.

Jacques fut servi le premier pour avoir dit hardiment son idée, comme un homme ; les deux autres vinrent ensuite pour avoir gardé le silence comme des enfants bien élevés.

Ensuite l’oncle et le neveu se mirent à fumer silencieusement, pendant que la mère de famille montait le poupon au premier étage pour le soustraire aux vapeurs délétères de la nicotine.

À travers le plafond, on l’entendit qui chantait une chanson de nourrice, en agitant le petit berceau. La mélodie du chant et le rhythme du berceau balancé à temps égaux semblaient exercer une influence bienfaisante sur les idées du vieux philosophe. Aussi aspirait-il de grosses bouffées de tabac avec une expression de jouissance infinie, et dodelinait-il la tête d’un air béat et satisfait.

Les deux écoliers ne tardèrent pas à monter, et le frère aîné les suivit bientôt, car il travaillait dur pour son âge, et il se levait de grand matin.

La ménagère redescendit et vint s’asseoir à côté de son oncle.

L’oncle secoua les cendres de sa pipe ; ensuite il se leva et ouvrit la fenêtre toute grande, ayant vaguement entendu dire que les per-