Page:Maman J. Girardin.pdf/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

don d’attirer et de subjuguer les jeunes âmes; tu es ce que l’on pourrait appeler « une charmeuse d’enfants!... »

— Il y a donc des charmeurs d’enfants? demanda Mme Gilbert en éclatant de rire.

— Pourquoi pas? Il y a bien des charmeurs de serpents.

— Fi! monsieur, quel odieux rapprochement!

— Il te choque?

— Plus que je ne saurais dire.

—J’y renonce de bon cœur, et je fais amende honorable. Mais, parlons sérieusement, est-ce que tu n’as jamais remarqué, au régiment, que tous les enfants étaient toujours suspendus à tes jupes?

— Quelle folie! Les petits enfants venaient à moi comme ils vont à toutes les mamans.

— Pas à toutes, ma chère.

— Eh bien! à presque toutes. Mon Dieu! que tu es taquin aujourd’hui; est-ce que tu es plus souffrant?

—Je me porte comme un charme, et tu le sais bien, grâce à les bons soins et à cet excellent air de Touraine. »


Mme Gilbert sourit en regardant la figure de son mari. Il n'était plus si pâle et ses sourcils ne se contractaient plus avec cette expression de souffrance qui lui avait causé tant d'angoisses pendant de longs mois.

« Pour en revenir à notre propos..., » dit le percepteur obstiné.

Mais sa femme ne lui laissa pas le temps d'achever.

« Penche-toi un peu, lui dit-elle, ton nœud de cravate est tout fripé! tu n'es pas présentable; il faut que je le refasse.

— Horreur! s'écria M. Gilbert avec un effroi comique, un nœud de cravate fripé! lorsqu'on est exposé à chaque instant à recevoir les grandes dames qui font la cour à la charmeuse d'enfants.

— Octave, je me fâcherai.

— Je t'en défie bien, tu sais, tu n'as pas le don de te fâcher.

— Dans tous les cas, je ne te referai pas ton nœud de cravate.

— J'en serai quitte pour me cacher derrière la niche de Pataud, quand les dames viendront. Oh! mon Dieu, je crois reconnaître le