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petite servante effrontée qui ne portait point la coiffe du pays.

Une seconde porte, toute grande ouverte, au bout du corridor, encadrait une perspective dont le capitaine fut comme ébloui. Des collines d’un bleu pâle et vaporeux moutonnaient à l’horizon derrière les lignes sombres et sévères d’une grande forêt. Sur le ciel d’un azur profond et comme humide, des nuages satinés se teignaient tantôt en safran clair et tantôt en pourpre foncé selon les reflets du soleil qui se couchait en ce moment au bord opposé de l’horizon. En ramenant ses regards sur les premiers plans, le capitaine aperçut la cime des grands peupliers de la vallée de l’Indre, qui se balançaient lentement, puis un parapet de rempart qui terminait un jardin assez étendu sur lequel s’ouvrait la porte du corridor.

Accoudés sur le parapet du rempart, un homme habillé de piqué blanc, et une femme en robe claire, vus de dos, regardaient dans la vallée.

« Que désirez-vous, monsieur ? dit la petite servante effrontée.

— Monsieur le percepteur est-il visible ? demanda poliment le capitaine en lui remettant sa carte.

— Je vais m’en informer, répondit la petite servante, en introduisant le visiteur dans un petit salon meublé avec élégance.

Le capitaine se mit à regarder tout autour de lui en s’efforçant de prendre des airs de commissaire-priseur et de se faire une idée approximative de la valeur des meubles, puisqu’ils étaient à vendre.

Mais tout à coup, entendant un grand froufrou de robe et de jupes, il s’assit vivement sur le premier siège venu pour n’être pas surpris en flagrant délit d’inventaire. Mais c’était une fausse alerte. Le froufrou passa le long de la porte du salon et s’évanouit dans la cage de l’escalier.

Presque aussitôt la servante effrontée vint le prier de vouloir bien passer au jardin. Il passa au jardin et vit le piqué blanc qui s’avançait à sa rencontre, à tout petits pas, comme un homme qui marche difficilement dans des souliers trop étroits, avec des talons trop hauts ; la robe claire avait disparu.

Vu de près, le piqué blanc, quoique jeune encore, avait cet air vieillot et fané des Parisiens qui veillent trop souvent et trop tard. Il était vêtu avec cette élégance artificielle, qui fait que l’on dit d’un