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le sac aux dépêches, descendit et frappa du poing et du pied contre la porte bardée de fer. Le capitaine trouvait le temps long dans l’embrasure où il était bloqué, et il se demandait pourquoi, presque toujours, dans les villes de province, l’administration des postes choisit les ruelles les plus dangereuses et les plus inaccessibles pour y installer ses bureaux ?

Il en était là de ses réflexions, lorsqu’une lueur parut sous la porte d’en face ; quelqu’un grommela, tourna une clef, entr’ouvrit la porte, se saisit du sac de cuir et disparut comme un loup qui emporte une proie. Alors la diligence s’ébranla pour repartir. Une fois délivré, le capitaine grimpa lestement sur le marchepied de derrière, et fit à l’hôtel une entrée peu triomphale.

« J’ai remarqué, dit-il à Sophie, qui le conduisait à sa chambre, que les réverbères sont éteints passé neuf heures.

— Ça se peut bien, répondit Sophie sans s’émouvoir.

— Mais comment fait-on quand on a besoin de sortir passé dix heures.

— On a une lanterne, donc ! »

« Drôle de pays, se dit-il en s’étendant voluptueusement dans un bon grand lit de Touraine. N’importe, je n’irai pas raconter à Gilbert ma promenade nocturne. Ce serait à le dégoûter à tout jamais de la Silleraye. Un garçon doit mourir d’ennui ici. Par bonheur il est marié, il a des enfants, un foyer ; il sera si bien là-haut, dans sa jolie petite maison, qu’il ne songera jamais à en descendre le soir. »

Comme son esprit se perdait un peu dans les terrains vagues qui séparent la veille du sommeil, il lui vint à l’idée, pour la première fois de sa vie, qu’il ne ferait peut-être pas mal, un de ces jours, de songer sérieusement à se marier.