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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/10

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xi
préface.

D’ordinaire, Je n’encourageais guère mes correspondants. Je n’aime pas à donner des conseils, surtout quand d’un conseil peut dépendre toute l’orientation d’une vie. On sait ce que je pense de l’émigration. C’est le pain des forts, mais c’est aussi le poison des faibles et pour nous autres Français, habitués à vivre dans l’encadrement des traditions et de la famille, le danger est particulièrement grand. Aussi, pour un qui réussit, dix qui s’enfoncent, et qui s’enfoncent d’une manière irrémédiable. Cependant, deux ou trois de ces jeunes gens me semblaient être dans des conditions très favorables, matériellement et moralement. Ils disposaient d’un petit capital, chose indispensable, ne fût-ce que pour compenser l’infériorité où se trouve un étranger vis-à-vis des gens du pays : ils avaient reçu une excellente éducation. N’ayant jamais vécu à Paris, ils avaient conservé très vif le goût des choses de la campagne. Frappés par ce qu’on disait de l’élevage des chevaux français en Amérique, ils avaient envie de tenter une spéculation de ce genre.

Le moment me semblait d’ailleurs bien choisi. La vogue de nos percherons en Amérique va toujours croissant. C’est dans le bassin du Mississipi qu’ils ont été introduits d’abord, et le croisement avec les juments du pays y a donné de tels résultats que les compagnies d’omnibus et de tramways de cette région ont adopté ce genre de chevaux, à l’exclusion de tous les autres. Celles de New-York et des autres grandes villes de l’Est commencent même à venir recruter leur cava-