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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/47

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la brèche aux buffles.

Rogers. Dans les commencements, les rapports furent très tendus. On s’aperçut cependant bientôt de part et d’autre qu’il était en somme assez facile de s’entendre. Rogers a enclos ses défrichés avec des sapins, au lieu de se servir de ronces artificielles. Nous lui achetons son maïs et son avoine et nous lui apportons ses provisions de Buffalo-Gap. Nos cow-boys, quand ils rencontrent dans leurs tournées un de ses bœufs ou un de ses chevaux égarés, le ramènent de son côté, et grâce à ces échanges de bons procédés, ferme et ranch vivent dans les meilleurs termes.

Les disciples de M. Le Play affirment qu’on ne saurait travailler plus utilement à la découverte des lois qui organiseront le travail sur des bases justes et rationnelles, et par conséquent qu’il est impossible de contribuer plus efficacement au bonheur de l’humanité, qu’en recueillant sur tous les points du globe des monographies de ce qu’ils appellent les familles souches de travailleurs. Je ne contredis pas à cette théorie, — et je serais bien heureux d’apporter ma pierre à l’édifice, — mais, pour faire la monographie d’une famille de travailleurs, il faut, avant tout, que ces travailleurs aient une famille. Or, quelque étrange que puisse paraître cette assertion, les hasards de ma carrière m’ont presque toujours amené dans des pays où précisément les travailleurs n’ont pas de famille. J’ai passé toute ma jeunesse à la cour de différents rois nègres qui étaient les pères de leurs sujets dans un sens trop littéral pour que ceux-ci jouissent beaucoup des charmes de la vie de famille, et les coolies indiens de nos colonies ne commencent à être travailleurs que lorsqu’on a mis quelques centaines de milles d’eau salée entre eux et leurs familles.