Page:Manuel d’Épictète, trad. Joly, 1915.djvu/37

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VIII.

Ne demande jamais que les choses soient comme tu les veux ; tâche de les vouloir comme elles sont, et sans peine tu couleras ta vie.

IX.

La maladie est un obstacle pour ton corps, non pour ta pensée, si elle ne le veut. Boiter est un obstacle pour ton pied, pour ta volonté ce n’en est pas un. Raisonne ainsi pour chacun des accidents qui t’arrivent, et tu trouveras qu’ils peuvent bien empêcher quelque chose hors de toi, mais en toi-même absolument rien1.

X.

Quel que soit le danger qui te menace, souviens-toi de te replier sur toi-même et de te demander quelle est la force dont tu disposes contre ce danger. Si tu as à te défendre contre une séduction quelconque, tu trouveras ta force dans l’empire que tu as sur toi-même ; contre une fatigue à supporter, tu auras le courage ; contre une injure, la patience. Prends cette habitude, et les fantômes de ton imagination ne pourront rien contre toi.

XI.

Ne dis jamais : « J’ai perdu cela ; » dis plutôt : « Je l’ai rendu. Mon fils est mort, je l’ai rendu ; ma femme est morte, je l’ai rendue2.» Donc si ton bien t’est ravi, tu peux dire que lui aussi tu l’as rendu. « Mais celui qui me l’ôte est un méchant ! » Que t’importe ? puisque celui qui te l’avait donné te le redemande. Tant qu’il te le laisse, jouis-en comme d’un bien qui appartient à autrui, comme un voyageur use d’une hôtellerie.


2. Nous empruntons pour ces quelques lignes la traduction que Pascal en donne dans son Entretien avec M. de Saci.