Page:Manuel d’Épictète, trad. Thurot, 1889.djvu.pdf/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appliquer à la jambe un instrument de torture, il dit en souriant : « Tu vas la casser », et que, la jambe ayant été cassée en effet, il reprit : « Ne te disais-je pas que tu allais la casser ? »

Quand il fut affranchi, il fit profession de philosophie. Car alors la philosophie était une vraie profession : ceux qui l’exerçaient étaient séparés des autres hommes non-seulement par leur manière de penser et de sentir, mais aussi par leur manière de vivre, par leur langage (ils employaient une foule de mots dans une autre acception que l’acception commune), et même par leur extérieur leur mine refrognée, leur teint jaune, leur grande barbe. Le philosophe se distinguait de celui qui n’était pas philosophe (ίδιώτης)[1], à peu près comme le moine se distingue des gens du siècle. Un autre rapport non moins frappant entre les philosophes de ces temps-là et les moines, c’est qu’ils excitaient, dans la société au milieu de laquelle ils vivaient isolés, des admirations enthousiastes et des antipathies non moins vives. Epictète représente à celui qui veut faire profession de philosophie, qu’il doit s’attendre au mépris des petits esclaves, à la risée de ceux qui le rencontreront, à être partout

  1. Manuel, xxix, 7 ; xlvi, 1, 2 ; xlviii, 1 ; li, 1 ; Cicéron, pro Sestio, li, 110.