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IV.

Quand tu entreprends quelque chose, rappelle-toi ce que c’est. Si tu t’en vas te baigner, représente-toi ce qui arrive tous les jours au bain1, les gens qui vous jettent de l’eau, qui vous poussent, qui vous injurient, qui vous volent2 ; tu seras plus sûr de toi en allant te baigner, si tu te dis aussitôt : « Je veux me baigner, mais je veux aussi conserver ma volonté dans un état conforme à la nature. » Et de même en chaque occasion. Ainsi, s’il te survient au bain quelque contrariété, tu auras aussitôt présent à l’esprit : « Mais je ne voulais pas seulement me baigner, je voulais conserver aussi ma volonté dans un état conforme à la nature ; et je n’y réussirai pas, si je m’irrite de ce qui arrive tous les jours. »

V.

Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses. Ainsi la mort n’a rien de redoutable, autrement elle aurait paru telle à Socrate ; mais le jugement que la mort est redoutable, c’est là ce qui est redoutable. Ainsi donc quand nous sommes contrariés, troublés ou peinés, n’en accusons jamais d’autres que nous-même, c’est-à-dire nos propres jugements. Il est d’un ignorant de s’en prendre à d’autres de ses malheurs ; il est d’un homme qui commence à s’instruire