Page:Manuel d’Épictète, trad. Thurot, 1889.djvu.pdf/55

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dépend de toi, là où tu peux avoir le plus grand mérite ?

2. Mais tu ne viendras pas en aide à tes amis. Qu’est-ce que tu dis là, ne pas venir en aide ? Tu ne leur donneras pas de monnaie ? Tu ne les feras pas citoyens romains ? Et qui donc t’a dit que ce sont là des choses qui dépendent de nous, et non d’autrui ? Qui est-ce qui peut donner à un autre ce qu’il n’a pas lui-même ? « Acquiers, » dira l’un d’eux, « pour que nous ayons. »

3. Si je puis acquérir en restant discret, sûr, magnanime, montre-moi le moyen, et j’acquerrai. Si vous exigez que je perde les biens qui me sont propres pour vous acquérir ce qui n’est pas un bien, voyez vous-mêmes comme vous êtes injustes et déraisonnables. Et que préférez-vous donc ? de l’argent qu’un ami loyal et réservé ? Aidez-moi donc plutôt à acquérir ce bien-là, et n’exigez pas que je fasse ce qui me le fera perdre.

4. « Mais, » dira quelqu’un, « ma patrie, je ne lui viendrai pas en aide, autant qu’il est en moi. » Encore une fois, quelle aide ? Elle ne te devra pas de portiques, de bains ? Et qu’est-ce que cela ? Tes concitoyens ne sont pas non plus chaussés par l’armurier, ni armés par le cordonnier ; il suffit que chacun remplisse sa tâche. Si tu procurais à la patrie quelque autre citoyen loyal et réservé, ne lui aurais-tu rendu aucun service ? — « C’est vrai. » — Eh bien ! alors, tu ne lui seras pas non plus inutile.

5. « Quelle place aurai-je donc dans l’État ? — Celle que tu peux avoir en restant homme loyal et réservé. Mais si pour venir en aide à ta patrie, tu perds ces biens, de quelle utilité peux-tu lui être quand tu seras devenu impudent et déloyal ?