Page:Marais -8Aventure de Jacqueline.djvu/13

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sa figure mutine et pâlotte, encadrée de boucles brunes, — sa figure de Pierrette enfarinée où ressortaient les deux traits foncés des sourcils, les disques noirs des yeux sombres et le bec menu frotté de carmin.

René Bertin se dirigea mollement vers les nouveaux venus en essuyant ses pouces où grisonnaient des plaques de glaise. Mais soudain, après avoir considéré plus attentivement le visage de Hans, il pressa le pas, — s’exclamant :

— Schwartzmann !… C’est vrai, au fait : ma sœur m’a annoncé votre visite.

Il ajouta, détaillant l’écrivain :

— Vous n’avez pas changé… On dirait même, que vous êtes rajeuni, grâce à votre physionomie moins sévère.

— Vous, vous avez beaucoup changé, au contraire, riposta Schwartzmann.

L’adolescent joufflu connu à Heidelberg était devenu un long et frêle jeune homme, un de ces nerveux musclés dont la débilité apparente cache un organisme excellent ; en examinant ses cheveux blonds, ses yeux gris, ses joues rosées, Hans lui trouva une grande ressemblance avec Jacqueline.

Schwartzmann prononça quelques phrases pleines d’effusion, pour se réjouir de revoir René ; puis, il lui nomma Hermann et Caroline Fischer qui gardaient le silence, — adressant leur inaltérable sourire à Bertin, à ses amis, au modèle, aux esquisses, voire au plancher nu sur lequel glissaient traîtreusement de minces filets d’eau, dégouttant des linges mouillés qui recouvraient les statues de glaise.

À son tour, René Bertin présenta ses amis : Maurice Simon, artiste peintre : un grand garçon brun, barbu, au teint olivâtre, dont les yeux noisette avaient la fixité professionnelle ; — et Paul Dupuis, un jeune architecte ambitieux, fils de statuaire, qui délaissait l’ébauchoir paternel pour tracer des épures, espérant parvenir plus vite dans un art plus commercial.

Ensuite, désignant très naturellement le jeune modèle. René Bertin dit :

— Mademoiselle Luce Février.

Et comme Hans semblait étonné — offusqué dans ses instincts d’ordre et de discipline, par cette formalité insolite — René compléta :

— Une amie qui a bien voulu me poser mon Arpète.

Hermann Fischer semblait fort intéressé, à la vue de cette jolie personne ; il lançait des œillades concupiscentes dans la direction de Luce ; sa physionomie reflétait une sorte de mansuétude attendrie ; et ses lèvres chuchotaient des mots vagues où se distinguait l’exclamation : schön ! murmurée à mi-voix.

René Bertin présenta l’écrivain à ses amis : Je n’ai pas à vous dire qui est Hans Schwartzmann, n’est-ce pas ?… Son nom suffit.

Les mines subitement angoissées de Paul Dupuis et de Maurice Simon exprimèrent éloquemment que « ça ne suffisait pas du tout », hélas ! Peu érudit, lisant à peine, l’architecte ignorait totalement la célébrité de Schwartzmann ; il pensa : « Qu’est-ce donc au juste que cet Olibrius ?… Un grand peintre ? Un sculpteur ?… Gare à la gaffe ! » Quant au peintre — étudiant par métier les littératures anciennes, les œuvres classiques dont l’action mythologique ou historique lui fournissait des sujets de tableaux — il n’avait guère le loisir de se tenir au courant de la littérature étrangère contemporaine.

René Bertin, très gêné par le mutisme de ses camarades, ne savait comment arranger les choses ; lorsque soudain, à la grande stupéfaction de Hans Schwartz-