Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/129

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Laurence répliqua d’une voix émue :

— Je ne vous renvoie pas… Je ne peux pas vous garder… C’est bien différent !

Maria murmura pensivement :

— Il y a aujourd’hui vingt ans que j’entrai chez madame la marquise… j’ai vu naître mademoiselle. C’est dur de la quitter, comme ça.

Elle suggéra, d’une voix larmoyant :

— Je ne demande pas de gages c’est par attachement.

Alors, Laurence, extrêmement touchée, eut cette familiarité aristocratique — la familiarité des grandes dames envers les serviteurs fidèles dont le dévouement est acquis à leur maison et qu’elles traitent en confidents subalternes ; — elle se confia tout simplement à Maria avec une humilité pleine de noblesse :

— Vous allez comprendre, Maria… Nous n’avons plus rien ; tous nos revenus sont immobilisés. Tant que maman vivait, il était normal que mon frère fît des sacrifices pour elle. Aujourd’hui qu’elle n’est plus là, ce n’est pas juste que François se prive pour moi. J’entends qu’il garde intégralement sa solde : il en a besoin. Je veux donc me contenter de mes seuls appointements. Ma pauvre Maria, vous ne me réclamez pas de gages, mais il faut cependant que vous viviez… Eh ! bien, avec ce que je gagne, on ne peut pas vivre à deux en temps de guerre… tout est devenu si coûteux… Voilà pourquoi je me prive de vous, comprenez-vous : c’est afin de refuser les sacrifices de mon frère.

Maria, les larmes aux yeux, se préoccupa avec le souci immédiat des détails matériels :

— Qu’est-ce qui va faire le ménage de mademoiselle ?